La trajectoire des patients du service les amène dans la majorité des cas à une institutionnalisation à vie, impactant la qualité du lien social, susceptible de déboucher sur un isolement plus ou moins complet vis-à-vis des familles. L’image de ces patients est souvent difficile à soutenir pour elles et l’absence de communication est un obstacle : « il (elle) ne me voit pas et ne se rend même pas compte que je suis là ». Les visites s’espacent et finissent par se raréfier. Les proches disent aussi que certains de leurs amis ne se manifestent plus par gêne ou peur d’affronter leur douleur. À la demande des familles, l’établissement a étudié l’organisation permettant de mettre en place des retours ponctuels à domicile, visant à maintenir et renforcer ce lien social. Il est plus facile de venir rendre visite à un patient à la maison et par là-même de renouer des liens amicaux. Ces « parenthèses » estompent un peu la souffrance des familles et leur permettent de discuter avec leurs amis de façon plus sereine. Le patient retrouve sa place au sein du cercle familial et de l’entourage. Le parcours des patients est très technique depuis la réanimation jusqu’au service, ce qui peut conduire à une perte d’identité en tant qu’individu singulier. Là il redevient sujet, en occupant une place privilégiée lors de ces weekends qui lui sont entièrement consacrés. Un retour au domicile peut également être bénéfique par les stimulations multifactorielles qu’il implique (bruits familiers, cadre de vie, odeurs, animal de compagnie, etc.). Il impacte favorablement la place des familles dans le service, les rendant actrices et partenaires de la prise en soins de leur proche. Elles mesurent les difficultés de cette prise en soins et se rapprochent des soignants pour apprendre les gestes nécessaires. Ce nouveau partenariat ne peut être que bénéfique dans la relation « proches, soignants ». Ce projet nécessite d’aborder le contexte du retour d’un point de vue global : appréciation de la faisabilité vis-à-vis du contexte familial, capacité du réseau de soins de ville à prendre en charge les dimensions spécifiques liées au profil du patient. Un accompagnement et une information, réalisés par les soignants et médecin du service Aquila, sont proposés aux aidants mais également aux professionnels de ville. L’établissement propose également le prêt d’un véhicule adapté et du matériel spécifique. Ce projet, proposé au plus grand nombre de patients, ne bénéficie qu’à une proportion limitée, l’état de santé précaire de nombre d’entre eux nécessitant des soins extrêmement lourds non envisageables à domicile. Pour les bénéficiaires, les résultats sont encourageants, les familles, les professionnels libéraux et l’équipe s’investissent pleinement dans ce projet.
